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01/07/2008

Aller à toi

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Lou-Andreas Salomé
 
 
 
Tes cordes sont généreuses : et si loin que j’aille – tu te retrouves sans cesse devant moi. Mes combats te sont devenus depuis longtemps des victoires, c’est pourquoi il m’arrive d’être si petit devant toi ; mais mes nouvelles victoires t’appartiennent, et j’ai le droit de t’en faire cadeau. Au bout d’une longue route passant par l’Italie, j’ai atteint le sommet que représente ce livre. Tu l’as atteint d’un coup d’aile, en quelques heures, tu t’es tenue sur la cime la plus limpide avant même que je n’aie terminé l’ascension. J’étais haut, mais encore dans les nuages ; tu attendais au-dessus d’eux dans la lumière éternelle. Accueille-moi, aimée.
Reste à jamais ainsi en avant de moi, ô chère, unique et sainte. Laisse-nous monter ensemble – comme vers le grand astre, nous appuyant l’un sur l’autre, nous délassant l’un et l’autre. Et s’il me faut un jour, pour un temps, détacher mon bras de ton épaule, je ne craindrai rien : tu seras au sommet suivant pour accueillir en souriant le fatigué. Tu n’es pas un but pour moi, mais mille buts. Tu es tout, et je te sais en tout ; et je suis tout, et je t’apporte tout en venant au-devant de toi.
"Journal Florentin" - Journaux de jeunesse
Rainer Maria Rilke
(traduit de Philippe Jaccottet)
Editions du seuil (p.95)

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