17/09/2009
W.H. AUDEN
EXTRAIT
La mer et le miroir
Commentaire de La Tempête de Shakespeare
W.H. Auden
Tous les mouvements volontaires sont possibles – ramper à travers des tuyaux et de vieux égouts, traîner devant des étalages, traverser sur la pointe des pieds des sables mouvants et des champs de mines, courir à travers des usines abandonnées et des plaines vides, sauter par-dessus des ruisseaux, plonger dans des bassins ou nager entre des rives semées de roses, s’extraire d’un boyau ou pousser des portes à tambour, s’accrocher à des balustrades en bois pourri, sucer une glace ou une plaie ; tous les modes de transport sont disponibles, lettres, chars à bœufs, canoës, cabriolets, trains, trolleys, voitures, avions, ballons, mais le sens de l’orientation, le moyen de savoir d’où sur cette terre on a bien pu venir et où on pourrait bien aller sur cette terre est tout à fait absent.
Religion et culture semblent représentées par l’universelle croyance que manque quelque chose qui doit être trouvé, mais quant à savoir ce qu’est ce quelque chose, les clés du paradis, l’héritier manquant, le génie, les odeurs de l’enfance, ou le sens de l’humour, pourquoi cela manque, si cela a été délibérément dérobé, ou accidentellement perdu, ou simplement caché par jeu, et qui est responsable, nos ancêtres, nous-mêmes, la structure sociale, ou de mystérieuses puissances perverses, il y a autant d’églises que de chercheurs, et on peut trouver un indice derrière chaque pendule, sous chaque pierre, et dans chaque arbre creux pour les étayer toutes.
(p.117)
Édition bilingue
Traduction de l’anglais et présentation de Bruno Bayen et Pierre Pachet
Format : 135 x 205
160 pages • 18 euros
ISBN : 978-2-35873-002-0
Mise en vente : 17 avril 2009
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30/04/2009
W.H. Auden
La Mer et le miroir,
commentaire de La Tempête de Shakespeare
Edition bilingue
Traduction de l'anglais et présentation par Bruno Bayen et Pierre Pachet
Editions Le Bruit du temps, avril 2009
Présentation de l'éditeur:
C'est après avoir émigré aux États-Unis que W.H. Auden, qui a déjà derrière lui une oeuvre poétique considérable, compose entre 1942 et 1944 son poème dramatique "La Mer et le Miroir". Il s'agit à la fois d'une continuation et d'un commentaire de la dernière pièce de Shakespeare, La Tempête, oeuvre-testament dans laquelle le poète élisabéthain a donné – à travers une intrigue fantastique – un résumé énigmatique de sa pensée et de son théâtre. Dans "La Mer et le Miroir", les personnages de la pièce, après une représentation, reviennent tour à tour sur scène pour commenter, chacun dans une forme poétique qui lui est propre, le spectacle auquel le public vient d'assister.
"La Mer et le Miroir" est un chef-d'oeuvre, aussi bien par l'intelligence critique qu'y déploie Auden que par sa virtuosité de poète, en tous points digne de l'oeuvre qu'il commente. Comme Auden l'a lui-même dit à ses amis : « C'est mon art poétique, de la même manière que, je le crois, La Tempête fut celui de Shakespeare. »
Et c'est cela qui est particulièrement émouvant, dans ce poème écrit pour la scène. À la fin d'une «tempête» qui ne fut que trop réelle, la Seconde Guerre mondiale qui l'a exilé loin de son pays, Auden, dont une grande part de son oeuvre est déjà derrière lui, décide de méditer sur ce que signifia, pour Shakespeare, écrire une ultime pièce avant de renoncer à son art. Loin de voir dans La Tempête, comme Henry James, une pièce où Shakespeare se serait contenté d'offrir à son public comme à lui-même l'exemple le plus pur et le plus rare de son art littéraire, Auden a le coup de génie de donner à Caliban le dernier mot, au cours d'un long discours écrit dans une prose aussi subtile que celle de James. Il a compris que l'art n'est pas un sanctuaire, qu'il est le lieu où la vie la plus réelle peut se confronter à son reflet et que seuls les échanges constants de l'un à l'autre permettent de parvenir à quelque chose comme une « relation restaurée ».
Si Auden est si mal connu en France, c'est aussi parce qu'il est un poète d'une grande maîtrise formelle, un artisan virtuose de son art. Il est donc particulièrement difficile à traduire. Pierre Pachet, depuis toujours particulièrement sensible à l'art de traduire, et Bruno Bayen, qui possède une précieuse pratique de l'art du théâtre, sont parvenus à rendre toutes les nuances de sens d'un texte d'une grande complexité, tout en créant un poème français presque aussi musical que l'original anglais, que l'on peut lire ici en regard de la traduction.
« Pourtant, en ce moment précis où nous nous voyons enfin nous-mêmes tels que nous sommes, ni à l’aise ni folâtres, mais sur l’ultime corniche battue des vents qui domine le vide sans fin — nous ne nous sommes jamais tenus ailleurs —, alors que nos raisons sont réduites au silence par l’énorme dérision — Il n’y a rien à dire. Il n’y a jamais rien eu à dire — et que nos volontés tremblent entre leurs mains — Il n’y a pas d’issue. Il n’y en a jamais eu —, c’est à ce moment que pour la première fois de nos vies nous entendons non pas les sons que, acteurs-nés que nous sommes, nous avons jusqu’ici condescendu à utiliser comme un excellent médium pour mettre en valeur nos personnalités et notre allure, mais la Parole réelle qui est notre seule raison d’être. »
23:50 Publié dans GRANDE-BRETAGNE/IRLANDE, W.H Auden | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook