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06/03/2010

Claude Esteban - Bernard Manciet (n°971, mars 2010)

CLAUDE ESTEBAN (1935-2006) est l’un des poètes majeurs de notre temps. Dans sa quête toujours renouvelée d’un dialogue entre l’univers des signes et la saveur concrète du monde sensible, son œuvre nous touche par sa limpidité et sa nudité sincère. Placée sous le signe de l’alliance mystérieuse d’une plénitude et d’un manque, elle dit à la fois l’impermanence et la splendeur des choses. Même quand elle nous parle du malheur et de l’inconsolable chagrin, c’est avec une délicatesse et une pudeur qui donnent aux mots leur plus grand pouvoir de suggestion, et à l’émotion sa plus durable intensité. Claude Esteban fut aussi un prosateur admirable.

Comme l’écrit ici même Jacques Dupin : « En prose, qu’il s’interroge sur l’art ou sur la poésie, il est porté par un lyrisme très surveillé, une ardeur empreinte de sévérité dont sa phrase s’allège en développements ondoyants et précis qui atteignent le grand style, sans complaisance ni affectation. Les poèmes en revanche restent au contact d’une réalité immédiate, d’une pauvreté familière attentive aux créatures les plus petites et les plus proches. Ils se gardent d’élever la voix pour écouter le battement d’une vérité intérieure. Deux visages d’un être divisé, deux faces complémentaires séparées par un ravin, un gisement de silence d’où Claude Esteban tirait la richesse, la justesse de sa poésie. » LIRE LA SUITE

Commentaires

Dans ce numéro d'"Europe", on trouve une émouvante contribution d'Yves Bonnefoy. Il raconte avec beaucoup de gentillesse et de précision ce que pouvait être la "drôlerie" d'Esteban, son besoin de démystification. Par exemple il se souvient que Claude Esteban avait autrefois commis sous pseudonyme un ouvrage un tantinet farfelu, il se faisait passer pour "Arthur Silent". Déguisé sous une fausse barbe et singeant l'anglophonie, Esteban avait reçu lors d'une réception à Saint Germain des Près un prix littéraire doté d'un chèque conséquent, personne ne prétendit l'avoir reconnu.

Mais il y a évidemment d'autres points importants dans ce texte de Bonnefoy qui évoque aussi une maison de Lacoste dans le Luberon, ou bien l'île d'Yeu, "la concurrence épuisante de l'espagnol et du français", et puis surtout la figure de son épouse Denise Esteban, une artiste-peintre dont trop peu se souviennent. Quand Denise disparut, "la vague noire passait sur lui, qui ne retomba jamais tout à fait".

Il y a d'autres textes importants dans ce cahier d'"Europe", par exemple celui de Pierre Vilar qui parle très bien de l'amitié de Claude Esteban pour Chillida ou bien celui de Michel Jarrety qui restitue finement les étapes qu'il fallut parcourir lorsque le traducteur d'Octavio Paz dirigeait la revue "Argile'. Michel Deguy écrit que "l'espoir ne se referme pas avec celui qui le portait",il souligne aussi qu'il faut inventer des passerelles et des regroupements provisoires, être ensemble avec d'autres écrivains, travailler pour des revues ou bien dans des séminaires de traducteurs comme il s'en pratiquait inlassablement à Royaumont.

Je veux redire qu'"Europe" est depuis très belle lurette, grâce à la direction de Jean-Baptiste Para, l'une des meilleures revues de littérature qu'on puisse lire. On la trouve même dans certains kiosques de gare, ce cahier Claude Esteban, je l'ai acquis la semaine dernière dans le hall de Lyon-Part-Dieu.

Écrit par : alain Paire | 09/03/2010

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