22/06/2009
VIENT DE PARAITRE
Après tout même toi/Dopo tutto anche tu
La rencontre (im)possible entre le poète (mais aussi) psychiatre Angelo Guarnieri et la poète (mais aussi) internée psychiatrique pendant près de quinze ans Alda Merini. Ces deux êtres, chacun sur une rive de la vie, font des mots un fleuve qui les baigne et les nourrit.
34 poèmes de Alda Merini traduits par Patricia Dao
« disait le poète disait l’ouvrier » collection de poésie contemporaine
Editions Oxybia, juin 2009 (édition originale 2003)
LECTURE
de Nathalie Riera
« Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit.
La vie est de brûler des questions.
Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie. »
Antonin Artaud, L’Ombilic des Limbes
La paix est si petite, Alda Merini, on ignore vraiment ce qu’il faut pour s’apaiser. Sagesse de brûler toutes questions, mais allégresse quand croire que la folie est un profond lien d’amour. L’art de l’amour.
Enfant de la déréliction, mais avec tout à la fois l’heureuse certitude d’avoir été profondément aimée, et la cruauté d’avoir été assassinée.
Je sais que l’on meurt/Lo so che si muore.
Mais que la mort vienne/Ma che la morte venga
de la main qui te devait des caresses,/dalla mano che ti doveva carezze,
mais que l’amour cache l’étreinte mortelle,/ma che l’amore nasconda l’abbraccio mortale,
Dieu résous-moi cette énigme !/Dio risolvimi questo enigma !
(p.64)
Vous lire, Alda Merini, c’est se demander : la poésie intéresse t-elle le poète ? N’est-elle pas, à l’instar de l’esprit, en dehors même de ce que nous nommons poésie ?
Vous éprouver, Alda Merini, c’est aussitôt revenir vers Artaud, à ce que lui-même « pensait » de la pensée et de la poésie, à savoir tous les moyens qu’il faut pour les libérer de ce qu’elles-mêmes s’infligent. Et puis, acquiescer quand il écrit : ce n’est pas l’homme mais le monde qui est devenu un anormal.
***
Il y a la lutte et il y a le goût pour vivre, il y a ce qu’il faut atteindre de soi et qui est inatteignable, il y a les débâcles pour nous dire les précarités de toutes choses. Il y a ce qui s’use, ce qu’il faut endurer. Il y a les deuils, il y a le chant qui tremble, pénétration, palpitation, la voix qui aime qui se plaint, le vivant à la lisière de ce qui s’efface de ce qui revient de ce qui n’a jamais disparu.
Et puis, il y a cette histoire, entre elle et lui. Alda Merini et Angelo Guarnieri. Cette amitié tendre et solide, qui dure désormais depuis 1995 .
Une relation entre personnes qui se téléphonent et se parlent avec plaisir, qui apprennent à se connaître et à se tolérer, qui s’échangent des dons, qui rient quand c’est amusant et se plaignent et se soucient quand les choses de la vie se tournent vers leur côté obscur… (Préface Angelo Guarnieri).
Vous deviner, Angelo Guarnieri, dans cette amitié vraie, dans ce temps de votre relation où l’amour est artisanat.
Contribution Nathalie Riera
***
Ensevelie
dans l’amour de tous,
je n’ai plus un souffle de jeunesse.
Je voudrais escalader des montagnes énormes,
embrasser les murs de ma maison,
me sentir sale pleine de boue.
Pourtant ici chaque jour
ils prennent soin de moi.
Et lentement ça m’éteint.
(p.63)
Sepolta
dentro l’amore di tutti,
non ho piu un respiro di giovinezza.
Vorrei scalare montagne enormi,
Baciare i muri della mia casa,
sentimi sporca di fango.
Eppure qui ogni giorno
hanno cura di me.
E questo lentamente mi spegne.
***
Tu ne m’aimeras jamais/Non mi amerai mai
a dit un jour Salvatore Quasimodo à Alda Merini
Parce que tu aimes le monde entier/Perché ami il mondo intero…
(p.106)
http://oxybia.free.fr/index.html
La note de lecture est également en ligne sur le site poésie ~ photo ~ écrits ~ éditions d'Aldébaran ~ passeurs un atelier http://www.loyan.fr/
15:48 Publié dans Alda Merini, Nathalie Riera, NOTES DE LECTURES/RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | Facebook
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