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08/06/2009

PASCAL BOULANGER

 

PARUTION 18 juin 2009

Quatrième de couverture

 

Cherchant ce que je sais déjà

Editions de l’Amandier

Collection Accents graves, Accents aigüs

 

Auteur de plusieurs livres de poésie et d’essais sur cette dernière, Pascal Boulanger joue ici du paradoxe, convoquant la bibliothèque et témoignant d’une traversée où les drames de l’existence côtoient les noces du ciel et de la terre.

La délivrance du mal passe par sa connaissance et si la parole poétique commence par une descente aux enfers, elle porte aussi le germe d’une renaissance.

Dans cette quête de l’amour  loin des résignés, loin des naïfs et avec des yeux de chair grands ouverts, le poème interroge avec insistance  -Qui me donnera un baiser de feuille d’or/ pour que l’existence ne soit plus une faute ? - et nous renvoie à nous-même, dévoilant l’obscurité et la lumière, l’opacité et la transparence, la terreur et le salut afin de nous tenir là, dans l’échec et la question et dans la beauté des choses qui ne fait pas question.

 

 

Je sais ce que je sais
Sur la double route
Dans le souffle de ma respiration
Dans le feu que le sommeil abrite

PB.jpg

 

NOTE DE LECTURE

Nathalie Riera

 

« Il faut retirer sa foi de l’abîme. Il faut apaiser son cœur à observer de près une chose n’importe laquelle (…) Il faut surtout fermer l’abîme ».

Pierre-Jean Jouve, Proses, (p.235) Gallimard/Poésie.

 

 

« Ô Bellarmin ! qui donc peut dire qu’il se tient ferme, quand la beauté même mûrit à la rencontre de son destin, quand le divin même doit s’humilier et partager le sort des choses mortelles ! »

Hölderlin, Hypérion  in Hypérion à Bellarmin (volume second, premier livre)

 

 

 

Etre au plus près des œuvres d’un poète, avec toute la distance qu’une telle intimité puisse exiger, c’est-à-dire sans fascination stérile. Concéder au « livre-poème » son pouvoir et sa volonté de faire musique parmi les choses. Décerner à celui qui Cherchant ce que je sais déjà une attention aussi dégagée que soutenue, comme réponse à cette évidence qu’il n’y a jamais rien à ignorer ou à renier, dans un monde où se joue sans cesse et sans concession toute la gamme des temps, dans une suite de contrastes qui font œuvre parmi les choses.

Partitions d’air et de feu, bienveillance et férocité des couleurs : là où Pascal Boulanger se tient, il n’y a pas toujours de ménagement possible. Juste se tenir dans l’extrême, c’est-à-dire là où le poète peut encore avoir désir de dire ce que les lèvres de l’homme peuvent garder d’amer, de froid, de tremblement intérieur.

 

La parole est aussi une forme, et cela dès lors que cette parole même est prononcée. Et ce qui se prononce dans la parole de Pascal Boulanger consiste à faire entendre que la foi, à l’égal du Verbe, dépasse d’abord la foi, au sens où P.J. Jouve préconisait que la foi soit retirée de l’abîme.* Tout grand poète nous rappelle, à sa manière, que le poète (parole jouvienne) « n’appartient qu’à sa parole ». Comme tout être n’appartient à rien d’autre qu’à sa propre histoire.

 

***

 

Au contraire de « Jamais ne dors » (Le Corridor Bleu, 2008) et ses chants amoureux, Cherchant ce que je sais déjà révèle la face douloureuse des séparations et des inquiétudes face aux proches. Est-il alors juste de penser que de la part de Pascal Boulanger ce dernier livre serait tentative de mémoire ? Mémoire dont les fils lumineux font aussi la détresse du chant. Emouvante ébauche qui fait dire : « Touchant l’étoffe qui sépare/- je ne veux plus que la mémoire humaine passe en moi ».

 

D’une séquence à l’autre, c’est le dénuement sans répit, ainsi la section nommée « Les ruines de la ville », qui témoigne d’une traversée en abîme, et où l’auteur lui-même se sent la proie d’un destin d’emblée verrouillé. Est-il par ailleurs besoin de préciser qu’une tentative d’anamnèse ne tient parfois qu’à un profond désir de grand silence. Quatre ans auparavant, dans Jongleur, (Comp’Act, La Polygraphe, 2005), l’auteur nous fait part de cette perspective : « Cependant, la vie que j’avais à vivre je l’avais déjà vécue/et il n’était plus question d’écrire ni de les écouter./Le tranchant du seul instant était devenu un point ».

 

Faut-il entendre par là un point final ? Mais à quoi ? N’y a-t-il plus de routes, plus aucun autre rendez-vous ?

 

Le premier cri – la buée des lèvres – le dernier souffle

 

la lumière et son attente

                                         l’inexistence

 

 

le détour

le retrait

le silence

 

 

Je voisine par un abîme – je le sais – indistinct

cherchant ce que je sais déjà

 

***

 

Au cœur des drames, pas de communication possible, l’homme n’a pas vocation à trouver des réponses, mais au mieux peut-il poursuivre sa propre histoire sans  cesser de faire incantation parmi les choses de la vie et les violences du monde. 

Jusqu’avant les inquiétudes, le cœur a des couleurs aux ailes. Détonateur, il est ce qui nous fait partir sans nous dérober. Mais depuis longtemps déjà, il y a cette sorte de savoir, qu’il nous faut aussi vivre plusieurs autres lieux, ici ou là-bas, espérer possible ou impossible d’autres royaume, centre, espace complet… entre le vivant et le mourant. Vivre, c’est-à-dire affronter son propre exil et sa propre énigme. « Retour parmi les crimes de l’époque, les saisons de mort ». Sorte de chute qui ferme le paradis, et entraîne avec elle tous les sommeils « qui déplaçaient les montagnes ». Et à cela, comment ne pas crier, ne pas prier au sein même du grand silence :

 

Qui sait aimer sachant ne pas mourir ?

 

Je contourne les grabats du chantier

un chant glisse sur le parvis

 

omnia vincit amor

 

***

 

Est-ce faute d’exister ? ne devrait plus faire question, quand on sait cette autre sorte de vérité, pour ne pas dire de nouveau jour, auquel nous pouvons souscrire, même dans le plus haut déchirement, vérité conjointe à toute ruine qui ferme nos joies : éprouver et consentir que la vie nous est souveraine, indomptablement. Même au milieu des ravages elle est encore pourvue de cimes, et à jamais nous initie sa force. Ce n’est pas de la mort que naît le poème, mais de ce qu’il reste sous les décombres.

Pascal Boulanger a cet art non pas de hisser le poème mais de le faire couler, lui faire traverser tous les versants et les rives, jusqu’à ce qu’il se consume sur les sols les plus abrupts ; le sauver en quelque sorte du règne de la boue, où un grand pan de notre humanité contemporaine s’enlise. Fluidité qui assure également au poète de ne jamais cesser son invention.

Art également d’évoquer la relation de l’homme entre le clair et l’obscur, et du risque qui s’impose à notre existence :

 

C’est le risque du périple

 

-         la gale démange celui qui erre dans la tourmente

-         les dieux font tomber les vents

                                              sur l’île qui se réinvente

 

Jamais de place pour la perdition absurde ! L’homme vit ou ne vit pas une vraie bataille.

 

***

 

Etre au plus près d’une voix qui rugit et rougit, parce qu’il y a encore espoir et toujours désespoir, le dire de tout poète est-il justement de ne plus se borner de dire, mais dire autre chose, ce qui ne veut pas dire le dire autrement.

Etre au plus près d’un désir, qui peut ressembler à ce tranchant devenu un point : dire qu’il en est assez, ou alors choisir de se rendre sourd à toutes envolées emphatiques, aux tristes chimères, aux pourrissements et autres attractions morbides, aux fausses batailles, à la vitesse qui a supplanté la contemplation, et à la nuit qui « ne ramène plus la volupté ».

Ecrire Cherchant ce que je sais déjà, comme preuve que de « se rendre au sol » n’est pas une vaine action, et que celle-ci nous rappelle que nous disposons d’un espace qui nous est à tous commun, espace clos à traverser, pour probablement un retour vers autre chose de proche, et qui touche à notre propre grandeur.

 

 

© Nathalie Riera, 30 avril 2009

 

 

 

NOTICE

Bio/Biblio

 

Pascal_Boulanger_7.jpgPascal Boulanger, né en 1957, vit et travaille, comme bibliothécaire, à Montreuil. Parallèlement à son travail d’écriture, il cherche depuis une trentaine d’années, à interroger autrement et à resituer historiquement le champ poétique contemporain qui, pour lui, passe aussi par la prose. Marqué par la poésie rimbaldienne et le verset claudélien, il a donné de nombreuses rubriques à des revues telles que Action poétique, Artpress, Le cahier critique de poésie, Europe, Formes poétiques contemporaines et La Polygraphe. Il a été responsable de la collection Le corps certain aux éditions Comp’Act. Il participe à des lectures, des débats et des conférences en France et à l’étranger sur la littérature et il a mené des ateliers d’écriture dans un lycée de Créteil en 2003 et 2004.

Il a publié des textes poétiques dans les revues : Action poétique, Le Nouveau Recueil, Petite, Po&sie, Rehauts…

Parmi les études qui lui ont été consacrées, signalons celles de Gérard Noiret dans des numéros de La Quinzaine Littéraire, de Claude Adelen dans Action poétique, d’Emmanuel Laugier dans Le Matricule des anges, de Bruno Cany dans La Polygraphe, de Serge Martin dans Europe, de Nathalie Riera sur le site Les carnets d’Eucharis ainsi qu’une analyse formelle de Jean-François Puff (sur le recueil : Tacite) dans Formes poétiques contemporaines.

Certains de ses textes ont été traduits en allemand et en croate.

 

Livres :

 

Septembre, déjà (Messidor, 1991)

Martingale (Flammarion, 1995)

Une action poétique de 1950 à aujourd’hui (Flammarion, 1998)

Le Bel aujourd’hui (Tarabuste, 1999)

Tacite (Flammarion, 2001)

Le Corps certain (Comp’Act, 2001)

L’émotion l’émeute (Tarabuste, 2003)

Jongleur (Comp’Act, 2005)

Les horribles travailleurs, in Suspendu au récit, la question du nihilisme (Comp’Act, 2006)

Fusées et paperoles (L’Act Mem, 2008)

Jamais ne dors (Corridor bleu, 2008).

 

A paraître en 2009 :

 

Cherchant ce que je sais déjà (Editions de l’Amandier)

L’échappée belle (Wigwam)

 

 

 

Anthologies :

 

Histoires, in Le poète d’aujourd’hui par Dominique Grandmont, Maison de la Poésie Rhône-Alpes, 1994.

L’âge d’or, in Poèmes dans le métro, Le temps des cerises, 1995.

Grève argentée, in Une anthologie immédiate par Henri Deluy, Fourbis, 1996.

En point du cœur, in Cent ans passent comme un jour par Marie Etienne, Dumerchez, 1997.

Ça, in 101 poèmes contre le racisme, Le temps des cerises, 1998.

Le bel aujourd’hui (extrait), in L’anniversaire, in’hui/le cri et Jacques Darras, 1998.

L’intime formule, in Mars poetica, Editions Skud (Croatie) et Le temps des cerises, 2003.

Dans l’oubli chanté, in « Les sembles » par Gilles Jallet, La Polygraphe n°33/35, 2004.

Jongleur (extrait), in 49 poètes un collectif par Yves di Manno, Flammarion, 2004.

 

 

 

Parmi ses études et ses entretiens :

 

Henri Deluy, Un voyage considérable, in Java n°11, 1994.

Gérard Noiret, Une fresque, in La sape n°36, 1994.

Marcelin Pleynet, L’expérience de la liberté, in La Polygraphe n°9/10, 1999.

Philippe Beck, Une fulguration s’est produite, in La Polygraphe n°13/14, 2000.

Jacques Henric, L’habitation des images, in Passages à l’acte n°1/2, 2007.

 

 

 

Commentaires

« Depuis quand les textes sont-ils là, disponibles, sous mes
yeux ? A la fin des années soixante-dix, j’ai vingt ans.
Après les métiers pénibles, l’errance de ceux qui n’ont
même pas leur bac en poche, je lis, je m’informe, j’opère
des choix, j’intègre, je rejette, je m’attache à quelques
singularités et à quelques titres, je découvre l’importance
des collections, des revues : Action poétique, Tel Quel,
Digraphe... Des questions naissent, des affinités
s’affirment. Et je saisis que là où la poésie est dérisoire,
la société est une société des amis du crime.[...]»
Pascal Boulanger

La suite de ce témoignage et un extrait de « L’inadmisible est son poème » in Fusées et paperolles, éd. L’Act Mem, 2008, sur :
http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=547

Félicitations Nathalie pour la belle énergie vitale avec laquelle vous faîtes vivre cette revue à votre image, poétique et artistique. J’ai aussi apprécié les photos d’Anna Toscana de votre N° 16.

Écrit par : Viktor | 10/12/2009

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