Anne-Marie Albiach (04/02/2015)
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Du côté de chez…
ANNE-MARIE ALBIACH
Extrait d’un entretien
Action Poétique N°74 – juin 1978
PHOTOGRAPHIE |Anne-Marie Albiach par Claude Royet-Journoud
extrait
HENRI DELUY : Je découvre tes textes à un moment où, au niveau des idées et du travail, je sors de ce que j’appellerai, pour aller vite, « La poésie de la tripe »… c’est-à-dire une poésie, comme tu sais, basée sur l’expression directe des sentiments, avec une conception du langage comme transparence, etc. Et je me trouve quand je te lis dans une situation ambigüe… C’est, à la fois, tout à fait différent du type de poésie que tu fais…
ANNE-MARIE ALBIACH : En effet, je crois que le côté physique de mes textes est extrêmement important. En fait, je vis le texte comme un corps, comme la projection d’un corps, mais d’un corps et de son image…
Je ne pense pas qu’on puisse dire que mes textes sont « abstraits ». En fait, ils révèlent le côté physique du souffle, de la Voix (en rapport avec une musique mémorielle obsessionnelle, un Opéra permanent occulté), et de la syntaxe. Ils sont le lieu d’une réitération qui revient alternativement. Le discours n’est abstrait qu’en apparence. En réalité, il se veut concret ; avec des données, par exemple, comme celle de la chute du corps… D’autre part, dans une partie d’Etat, je fais allusion à la traduction que j’ai faite du poète américain Louis Zukofsky, dont il faut noter que la démarche dénonce l’exploitation de l’individu. Dans Etat il y a cet aspect qui n’est pas visible à première vue, mais qui fait que toute écriture porte en soi un engagement physique… Par conséquent, je ne suis pas tellement étonnée que tu puisses passer de cette poésie, dont tu parlais, à une poésie apparemment beaucoup plus conceptuelle, mais qui ne le serait pas parce que c’est avant tout, une poésie du désir, du discours dans le désir… et même sans crainte d’un certain lyrisme ou baroque qui se dénonce.
Mais ai-je répondu à ta question ?
H.D. : Oui… Enfin tu dis, en tous cas, ce que je voulais te faire dire…
A.-M.A. : J’ajouterais que, dans Etat, il y a un passage en rapport avec Francis Ponge et Ponge, à mon avis, réalise ce que j’appellerais La concrétisation de l’écriture par rapport à l’objet, l’objet que je situe comme « incernable »… Il est une de mes préoccupations : quand je dis : « toutes les évidences lui sont mystère » je dénonce cette nature incernable de l’objet par rapport à la perception qu’on en a. Dans Etat, ce passage marque le contrepoint du plaisir de la lecture de Ponge… De même qu’on revient toujours au physique, dans la lecture, j’essaie toujours de revenir au physique dans l’écriture…
............................... (p.14)
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| ©Action Poétique N°74 – juin 1978
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