21/11/2013
Lorand Gaspar
Lorand Gaspar
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© Poésie
©SOURCE PHOTO | INTERNET | LORAND GASPAR (Né en 1925)
EXTRAITS
Egée
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Nrf Gallimard, 1980
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LORAND GASPAR,
Egée
Nrf Gallimard, 1980
(NÉOLITHIQUE II)
In « Egée »
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Déesses adipeuses que n’a pas encore touchées la proportion, ni les grâces compliquées, ni l’ascèse,
tout à leur réserve de lait, de lipides, de semences –
règne de plis qui exhale l’aloès amer et les sept parfums propitiatoires, mêlés aux relents des bêtes grasses sur le feu.
Dans un coin de la maison, dans les grandes jarres blanches, accroupis, les morts.
Là-bas, entre les chrysanthèmes de haute mer, grosses de leur charge d’obsidienne, les barques de Mélos dérivent.
Dans les blocs compacts de noir, au fond des brèches de clivage, ces grandes coquilles voluptueuses où glisse une eau de lumière.
------------------------- (p. 21)
(MINOEN RÉCENT I)
Aiguières d’Hagia Triada
Idem
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Dauphins, poulpes, poissons
fraîcheur de lin, de roseaux, d’oliviers
tremblement du jour dans une couleur
joie d’une ligne qui bouge encore
et je rêve à cette main entre milliards
de mains, étonnée, heureuse –
et je ne sais quoi, un pigment
qui fait que l’âme respire,
que voit la vie, ces choses qui
viennent à mes doigts
et mourront une fois encore –
------------------------- (p. 24)
(chœur)
Idem
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Te voici encore, ces remuements incompris sur les lèvres,
aux prises avec ces masses muettes –
bancs de madrépores et vases profondes
dont le goût est si proche sur la langue –
et tu te prends dans les ailes folles où brûle
tant d’espace en friche pour une rougeur sur la joue.
Mais tenaces sont les nageoires du remous
ces feux minuscules cimentés dans le marbre
et la langue remonte vers la trame du calcaire
au grain de ferveur qui meut les migrations.
Et tu te penches sur le même puits au silence rauque
Pompe exsangue du petit matin.
------------------------- (p. 41)
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(LE REPAS DES OISEAUX)
Idem
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Plume éclose d’un bourgeon d’épiderme, duveteuse et tendre, puis rigide, étançonnée, la siccité minérale greffée aux sèves par le calame, le rachis porteur de la double rangée de barbes divisées comme l’éclair, barbules lisses et d’autre pourvues de crochets solidement imbriqués, étançonnant la voilure quand ils s’unissent aux plumes voisines, tectrices de couverture, à barbes duveteuses, plumules floconneuses, isolantes, rémiges de couvertures alaires, plumes fermes du vol, rectrices, pennes de la queue servant du gouvernail, plumes d’apparat, oublieuses d’espace et de vents, bigarrées, irisées, faisant la roue.
------------------------- (p. 53)
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(CLINIQUE)
Idem
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« Secoue le malade en appliquant l’oreille sur les côtés… »
Bruit du vinaigre qui bout, des râles
Bruit de cuir que l’on plie, des plèvres enflammées
Bourdonnement d’amphores des grandes cavernes pulmonaires
Tintement métallique, bruit d’airain et de flot dans les épanchements d’air et d’eau de la poitrine
Bruit du sel que l’on décrépite à une chaleur douce dans une bassine
Râles d’œdème et d’apoplexie
Râles ronflants et sibilants de bronchite
Gargouillement de gangrène et d’abcès
Bruit de drapeau des fausses membranes mobiles dans la trachée
Bruit de pot fêlé des cavernes sous la clavicule
Voix chevrotante ou voix de polichinelle des pleurésies
Frottements soyeux des feuillets enflammés du cœur
Souffle doux, humé, aspiratif de l’insuffisance et
Souffle rude, râpeux du rétrécissement de l’aorte
Bruits de moulin à vent des grands épanchements traumatiques du médiastin.
------------------------- (p. 82)
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Hommage à toi, anatomiste accompli, auteur anonyme du Traité du cœur !
Observateur du beau feutrage musculaire et des valves souples tenues par des cordages comme toile d’araignée, leurs filins amarrés dans la substance ferme des parois.
Tu as vu aux portes de l’aorte et de l’artère pulmonaire, ces membranes, de chaque côté, arrondies (…), en forme de demi-cercle et qui, lorsqu’elles se rapprochent, c’est merveille comme elles ferment les orifices. Et c’est à gauche que la clôture est sans défaut, comme cela doit être, pour maintenir l’intelligence innée qui siège et commande au reste de l’âme.
PIMA KHIRONAKTOS AGATHOU
Œuvre-poème d’un artisan de qualité que le cœur !
Et tu as vu, la poitrine ouverte, le cœur s’agiter en totalité, tandis que, isolément les oreilles (ces corps mous, sinueux qui n’entendent pas le cri) se gonflent et s’affaissent.
------------------------- (p. 84)
NRF Gallimard
1980
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