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12/02/2023

Guennadi AÏGUI

Guennadi AÏGUI

Sommeil Poésie Poèmes

[extraits]

guennadi aigui.jpg

Guennadi AÏGUI

 

 

 

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  Extraits 

ÉDITIONS SEGHERS/AUTOUR DU MONDE – 1984.

Traduit du russe par Léon Robel

 

 

 

« il était comme une clairière le pays

le monde – comme une clairière

et il y avait des bouleaux-fleurs

et un cœur-enfant

 

et comme ces bouleaux-fleurs étaient par le vent de ce monde soufflés

 

et des roses-neiges

entouraient comme d’anges-mendiants le soupir

des sans-parole villageois !... et avec leur Lumo-Pitié

ensemble

illuminaient

 

/ ici – lieu d’un silence

aussi long

que l’infini de leur vie /

 

nous nous appelions – de Cette Lueur maints

chacun renforçant

la vivante luminescence

secondement dans la douleur

 

/ ici aussi

même

silence /

 

et étions écoutant : que dira la pureté d’un mot unique ?

 

sans cesser

rayonnait :

 

le monde-pureté »

1975

Extrait de « O OUI : PATRIE » – p.9.

 

***

à M. Roguinski

 

« Un champ parsemé de journaux ; le vent les emmêle (il n’y a ni début ni fin). J’erre tout le jour, examine avec attention : le titre est partout le même (et même l’oubli : j’oublie et j’examine – le temps passe : impossible de me souvenir) ; avec le même portrait partout (et de nouveau, l’oubli). Où suis-je ? où dois-je revenir ? Vent ; absence de routes ; froissement de papiers ; la Terre entière n’est que ce champ ; ténèbres ; solitude. »

1979

Extrait de « GOUACHE » – p.101.

 

***

 

« et quelque part

se tient jusqu’à ce jour

une petite femme

et quelqu’un transporte – en ses yeux indifférents – comme des cercles de soleil

le scintillement mauve de sa robe

 

et entre ses épaules et les miennes entre son cou et le mien

entre mes manches et ses manches

il y a l’herbe poussiéreuse les rails chauffés à blanc

et les rochers brûlants

des villes et des monts

 

mais à part moi nul ne sait

comme sont chauds ses coudes là-bas dans la manche

et quelle particulière

vulnérabilité de la démarche se dissimule

en cette station

frêle-penchée

 

– et il n’y a rien de plus audible que le silence

de plus fidèle que la douleur de plus clair que l’angoisse !

 

et longtemps encore le séjour longtemps

dans le monde le séjour longtemps / rien ne parvient jusqu’au sens « depuis longtemps » /

et vivante sur la terre

elle n’a pas encore quitté les hommes

quelque part elle se tient à présent aussi

la petite femme vêtue d’une robe rouge

 

– et il n’est rien de plus infini que la fin

 

et les buissons mauves de l’euphorbe

s’agitent la salissant de poussière du chemin

jusqu’à la ceinture

 

et ils deviennent plus hauts et plus larges

et plus éclatants que sa robe »

1958

Extrait de « PROLONGEMENT DU DEPART » – pp.133-134.

 

***

 

[…] Ce qu’écrit Aïgui ne ressemble à rien de connu en Russe. C’est une sorte de synthèse organique entre trois traditions très différentes : l’avant-garde russe poétique et picturale du XXe siècle (Malevitch est pour Aïgui une référence privilégiée), la poésie française moderne et la culture populaire tchouvache. La syntaxe en est souvent désarticulée, de manière à offrir plusieurs possibilités d’interprétation simultanées et à dire en même temps les difficultés de la communication en notre temps. Les images souvent surgissent des tréfonds de la mémoire. La ponctuation très personnelle permet par les trait d’union des coagulations ou cristallisations de sens (plusieurs mots se fondent en un seul) tandis que les tirets, les point d’exclamation marquent des brisures et des envols du rythme. Des néologismes parfois apparaissent comme de nouvelles évidences de la pensée ; des rimes ou des mètres réguliers enfouis ou démontés et reconstruits sont des indices de l’immense travail sur le système de versification accompli par Aïgui. Ce qui est à l’œuvre ici c’est véritablement une « pensée rythmique » qui, par son mouvement même, nous porte vers la saisie de son objet. Ce qui fait que le mouvement rythmique est inventé pour chaque poème. […]

Extrait de « DU TRADUCTEUR AU LECTEUR… » par Léon Robel – p.157.

 

■ À CONSULTER:

En attendant Nadeau : Aïgui le simple par Odile Hunoult : CLIQUER ICI 

Les éditions Mesures : CLIQUER ICI

Les éditions Circé : CLIQUER ICI

L’anthologie permanente de Poezibao : CLIQUER ICI