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15/05/2019

Cees Nooteboom - 533. Le Livre des jours

 

 

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Cees Nooteboom 

 

Le Diario Novo de Cees Nooteboom

 

L’écrivain néerlandais Cees Nooteboom signe son dernier livre chez Actes Sud sous le titre 533. Le Livre des jours, à ne pas comparer à un journal, mais plutôt « quelque chose qui permette de fixer de temps à autre un peu du flux perpétuel de ce que vous pensez, de ce que vous lisez, de ce que vous voyez, mais en aucun cas un réceptacle à confessions ». Dans ce Diario novo, selon une expression de l’auteur, « Etats d’âme et examens de conscience n’y ont pas leur place », ce qui importe est d’avoir des choses à dire et à cela je me permets un rapprochement quand pour Max Frisch il convenait que toutes « choses à dire » soit dit « très précisément, et très simplement, c’est-à-dire sans ambition littéraire. Une bouteille à la mer ».[1] Toujours dans son Journal berlinois, vit-on pour dire quelque chose et à qui ?

Dans Le Livre des jours, ce sont pensées, voyages et souvenirs, entre le 1er août 2014 et le 15 janvier 2016, qui livrent le portrait d’un écrivain qui se demande toujours « Jusqu’à quel âge doit-on se soucier du monde ? » en même temps que le portrait d’un homme transformé « en individu de masse » : « pour personne vous n’êtes qui vous êtes », écrit-il. Cees Nooteboom vit dans ce « monde de malentendus » mais se réserve quelques échappées, sortes de temps de suspension, ce qui ne signifie pas pour autant que l’écrivain se tient loin du monde. Cees Nooteboom partage son temps entre Amsterdam et Berlin, puis, depuis plus de quarante ans, migre chaque été, pour quatre mois, jusqu’à l’île de Minorque, en Espagne. S’adapter dans une autre vie, dans un autre pays est « un exercice spirituel », mais ce qui est plein d’enseignements, ce qui requiert le plus l’attention de l’écrivain en dehors de l’île et de sa géographie maritime c’est son jardin : « Ce jardin, c’est un portrait de ton âme », mais aussi : « Il faut cultiver notre jardin, dit Voltaire (…) Je ne suis pas une plante, mais si c’était au contraire le jardin qui me cultive, moi ? ».

Le Livres des jours rapporte des moments d’observation, une attention toute particulière de l’écrivain pour les cactus, ces « habitants les plus impassibles du jardin » à la vue desquels « l’on ne peut s’empêcher de croire à la symétrie et à l’harmonie comme finalités de la création », puis également les aeoniums arboreum avec « ses feuilles vert clair disposées en cercle avec une belle régularité mathématique » ou encore les sempervivums : « Ces plantes n’ont pu être conçues que par un génie euclidien ». Ainsi, le séjour insulaire serait-il la promesse de mieux consentir au monde, lui accorder meilleure figure, c’est-à-dire s’accommoder de sa part tragique. Cees Nooteboom est « né avant une guerre » où son père trouvera la mort à la fin de l’hiver 1945 lors du bombardement de son quartier, « ensuite il y a eu des guerres pendant tout le reste de ma vie », écrit-il.

Le monde ne peut être autrement que paradoxal et la littérature n’est-elle pas pour s’en faire témoin ? Cees Nooteboom accorde à la littérature une juste place, loin du superflu ou de tout ce qui la rapprocherait d’une « perfection sculpturale ». Se rapproche-t-il de Witold Gombrowicz pour qui « le propos de la littérature n’est pas de résoudre les problèmes, mais de les poser ». À sa lecture de Cosmos, il reconnaîtra chez l’écrivain polonais son « absence totale de compromis ». En est-il ainsi du rôle de l’écrivain, de n’écrire comme personne d’autre et, pour reprendre Max Frisch, de ne surtout pas être le « pantin de l’opinion publique ».

Tout comme les arbres du jardin, les livres sont la famille de l’écrivain, mais pas n’importe quel livre. Il faut que le livre vous donne cette « impression d’avoir passé des heures à faire du trapèze (…) Travailler sans filet, sous la menace d’un saut périlleux, cela peut vous arriver aussi en lisant ». Quelques pages sont consacrées aux écrivains hongrois Miklós Bánffy, Péter Esterhazy et Miklós Szentkuthy et, plus brièvement, aux poètes Leopardi, « un haut sommet que j’ai l’intention de gravir depuis des années » et Mallarmé pour sa « poésie dépouillée de tout superflu » que Cees Nooteboom compare à un Malevitch ou un Mondrian.

 

14/05/2019

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© Nathalie Riera

 

 

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[1] Max Frisch, Journal berlinois (1973-1974), éd. Zoe, 2016.

04/05/2019

Lire Charles Racine aujourd'hui - Une présentation d'Alain Fabre-Catalan

 

Les Carnets d’Eucharis Hors-Série

CHARLES RACINE

DANS LA NUIT DU PAPIER

 

 

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Lire Charles Racine aujourd’hui

 

 

Charles Racine (1927-1995) est un poète suisse dont l’œuvre fut partiellement publiée de son vivant. Outre une plaquette, Sapristi, (Zürich, Hürlimann, 1963), il publia sous son nom deux livres : Buffet d’orgue (Zürich, Hürlimann, 1964) et Le Sujet est la clairière de son corps (Paris, Maeght, 1975). Il collabora par ailleurs à de nombreuses et prestigieuses revues en France, dont Le Nouveau Commerce, La Traverse, L’Ephémère, Po&sie et Argile.  

 

Il fut ainsi le contemporain ou l’ami de nombreux poètes qui écrivirent l’histoire de la poésie des années 60 et 70, comme Jacques Dupin, André du Bouchet, Jean Daive ou Michel Deguy, et fut soutenu par d’éminents critiques tels Georges Poulet ou Jean Starobinski, pour ne citer que quelques noms. Jusque dans l’effacement de ses écrits, Charles Racine et sa langue « posthume » témoignent de l’existence de la poésie. Cette œuvre qui semblait vouée au secret est désormais sortie de l’ombre où se tient l’étincelle du poème qui luit sous un Ciel étonné. Ce fut le titre du recueil posthume qui reprit en 1998, à l’initiative de Martine Broda et de Jacques Dupin, Le Sujet est la clairière de son corps (Maeght, 1975) avec les principaux écrits de Charles Racine publiés dans différentes revues françaises. Ainsi dans sa trajectoire solitaire avait-il croisé l’aventure éditoriale de la revue L’Éphémère créée sous l’impulsion de l’éditeur d’art Aimé Maeght. Avec le souci d’interroger la matière du poème, élargie à la question de l’art, l’écriture de Charles Racine trouva un port d’attache temporaire dans les pages de L’Éphémère puis de la revue Argile, de prometteuses revues qui accueillirent ses textes grâce aux rencontres avec les poètes de l’époque. L’étonnant recueil qui parut aux éditions Maeght en 1975 donnait à lire un subtil assemblage de textes, véritable alliage poétique accompagné de quatre gravures d’Eduardo Chillida. Par-delà son titre générique, Le Sujet est la clairière de son corps, ce recueil qui n’ouvrira pas un chemin vers d’autres projets de publication, constitue en lui-même un art poétique, et à sa manière singulière d’exister, « un lieu hors de tout lieu », ainsi que le définit le poète et ami Claude Esteban. Cette exceptionnelle publication reste pour les écrits de Charles Racine qui se poursuivront dans un retrait de plus en plus marqué jusqu’aux années 1990, un espace unique de dévoilement qui ne laissa pas indifférents les lecteurs du moment. Ainsi ce fut dans le premier numéro d’une nouvelle revue fondée en 1977 par Michel Deguy, la revue Po&sie, que parurent en ouverture un ensemble de poèmes de Charles Racine datés de 1942 à 1968. Cette poésie vouée à l’exil de l’écriture et qui met en question la lecture même du poème jusque dans le suspens d’une langue qui s’abîme dans ses reprises incessantes, a pris le risque d’exposer son échec, sans jamais oublier l’injonction de Paul Celan dans son discours Le Méridien prononcé le 22 octobre 1960 : « Prends plutôt l’art avec toi pour aller dans la voie qui est le plus étroitement la tienne. Et dégage-toi. »

 

Les Carnets d’Eucharis

Conçue sous forme de triptyque, cette publication rassemble tous les articles publiés dans les numéros annuels des Carnets d’Eucharis des éditions 2016 et 2017, augmentée en 2018 de documents inédits, dont un long entretien avec Gudrun Racine, l’épouse du poète, dépositaire des Archives Charles Racine à Zurich. Placée sous le signe de « la rencontre de Charles Racine », elle a pour dessein d’éclairer les lecteurs autant sur la vie que sur l’œuvre d’un poète longtemps dissimulé.

Des articles, des poèmes, des lettres, des notes, des manuscrits, des entretiens et des témoignages ont aidé à la réalisation de cet ouvrage exceptionnel diffusé en France et en Suisse. Cette édition spéciale « Charles Racine – Dans la nuit du papier » constitue la première monographie consacrée au poète suisse et a été publiée en décembre 2018 avec le soutien de la Fondation Jan Michalski par la revue Les Carnets d’Eucharis que dirige Nathalie Riera. Cet hommage a été́ rendu possible grâce au concours de ceux qui ont été́ proches du poète, mais aussi de ceux qui ont pressenti une œuvre à venir.

 

 

Présentation assurée par Alain Fabre-Catalan

© RECOURS AU POÈME – (4 mai 2019)

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