Franco Marcoaldi (27/01/2014)

 [Que dis-tu ? Que si je t’embrasse fort fort, j’ai quelque chance de plus d’échapper à la mort ?]

 

 

 

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2013

Editions de Corlevour

 

 

Franco Marcoaldi

 

 

©INTERNET | Franco Marcoaldi (à gauche) avec l’acteur Toni Servillo

                                                                 

« Le temps désormais compté »
Traduit de l’italien par Roland Ladrière.

 

 

 

Une lecture de Philippe Leuckx

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Italien d’Orbetello, né en 1955, a écrit une quinzaine de livres, essentiellement des poésies, chez Einaudi et Bompiani. Il a, entre autres, obtenu plusieurs prix importants : le Viareggio pour « A mouche aveugle », le Prix Pavese pour « Animaux en vers », et pour ce recueil, traduit par Roland Ladrière, le Prix international LericiPea, en 2008.

Un poète, aux prises avec le temps, voilà un thème très souvent exploité, mais Franco Marcoaldi en donne une exploration à la fois intimiste et universelle. Sous l’égide de Paul, dans sa « Première épître aux Corinthiens », il cerne « ce temps désormais compté » dans les anses, les obscurités et les clartés de l’existence. Une approche ontologique donne même à penser que ce poète, par des côtés très lisible et très réaliste, sait aussi instiller à ses textes une bonne dose de réflexion voire de philosophie. L’existence nous est comptée, dès lors faut-il en assumer la charge ? Ou veiller à l’oublier dans les rets de la vie ordinaire ?

Dans une écriture qui alterne tout petits poèmes de quelques vers et longues laisses plus descriptives, l’auteur décline ses passions : l’archéologie du proche et la prise en compte des grands défis de l’existence, prise entre fête et mort.

La maison du poète est centrale : qu’elle soit reposoir d’écriture ou demeure natale à reconquérir dans la trame de ses vers. Le poète luministe happe des lueurs, des ambiances, renoue avec un temps de jadis :

 

Car quelque chose éternellement circule dans l’air –

va et vient.

Il suffit de desserrer

les cordages, de laisser couler

le temps sur ses tempes,

                                   sans frayeur.

 

La maison devient pour ce passager du temps  un « protectorat/ vaste et étriqué » et la figure du père, avec lequel il a conclu « avant que tu meures…une paix profonde et durable », traverse l’air natal, suscite une quête profonde, comme s’il fallait plonger aux racines de l’être familial qu’il est.

Cette paix, cette « sérénité », ce travail à l’ombre sur un temps qu’il faut exhumer et ramener au jour de l’écriture sont autant de repères que le poète de « Amore non amore » se donne pour avancer, peu à peu, dans la nasse de Chronos.

Le reflet, le miroir, la quête sont au cœur du livre : même les passants et les chiens ordonnent sa pensée et la route appelle les pas. « La marche », sans doute, pour affronter les distances avec ce temps « circulaire », quitte à se « brûler » à l’intensité d’un réel, qui chauffe la course et attise l’heure de vivre.

Car « Il n’y a qu’à vivre,/au fond » ou, dernier jalon d’une précieuse aventure avec soi : « De commencer à vivre,/ voilà de quoi il s’agit », vers qui closent le beau livre.

« Une faim de la vie » insuffle à ces poèmes un supplément d’âme et de lucidité et pourtant, il a dû en découdre avec les contraintes, avec les limites d’une existence parfois bien étriquée – cette chambre qu’on partage avec une flopée de frères et sœurs -, et pourtant, « le temps qui s’ouvre » laisse planer l’issue d’un jour « idéal pour mourir/ apaisé ».

À flairer le temps chez ses contemporains ou au contact d’illustres anciens (Saint Augustin), le poète nous parle, comme un ami pourrait avec lucidité et ferveur vous enjoindre à plus de clairvoyance encore et le lecteur sort du livre, conquis par l’élégance de la réflexion, des images qui tressent ce temps, à la fois familier et collectif, entre jugement de moraliste et inquiétude d’homme vivant.

La traduction est magnifique d’aisance.

Un bien beau livre.

 

Philippe Leuckx

© Les Carnets d’Eucharis

Janvier 2014

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