Bernard Manciet (1923-2005) (09/04/2011)
Bernard Manciet © Photo : Pascal Fellonneau
Sanctus, LXIII (extrait)
Chaudière de pâleur et sureau en fleur grand ouvert
et rose d’âme patène
maintenant hautaine puis effondrée et enflammée
en secret rayonnante angélique répandue – bouche
comme une prairie de vent
qui se mire longuement dans son épaule
dans son ourlet fuyant lune et talon
peuple : une rose d’insomnie
où se fait l’ombre et plus ombre que l’ombre
jour maintenant et plus que jour semences
soit le monde pétri au songe
soit enseveli dans notre vue intérieure
ou songe de toute notre chair pétrie silencieuse
ou songe enseveli au songe des grandes choses
le songe monte des bas-fonds
sauvage
d’itinéraires étoilés anges et dieux
tombés dans la toupie – beaux enfers nécessaires –
chute éclair architecte
et l’Homme fait homme
par l’arbre
de braises qui descendent
insurrection candide
rose par colonne et colonne d’ailes
ordre vivant
d’où vivants nous sommes ciel vif
comme procède rose de la rose
Tu es couvert de pétales
pour l’exclamation de tes essieux
qui t’inondent et de lustre nous sommes
comme d’ombres couverts
toutes formes hâtées
tous muscles raisonnables
pour enfin cet Archet
feu dévêtu de flamme
feu dépouillé des pétales du feu
sans risquer Dieu si Dieu n’est que le risque
et langue et lune-archet
corps toute langue et lune
lucidité de hasard
Bernard Manciet, « L’enterrement à Sabres », éd. Poésie/Gallimard, 2010, (pp. 235/237)
Mensa Tremenda (extrait)
Mais frêle
comme de la glace en avril
ou de la neige sur l’étang
elle s’y pose sans rien dire
comme un peu de lumière
haleine sur la nuit
ce narcisse sans fard
sur les eaux-mères
des sept sources scellées
l’agneau dans le Lion
une vivante paupière
dans le feu d’étoile comme un soleil fragile
- ne tremble pas comme ça –
au creux du bruit de soleil
un agneau de regard
un dieu de pressentiment
un dieu qui se murmure
un matin un agneau dans le soir de force
ourlet d’aube sans fin
fragile puissance
midi de givre
quadruple sans nombre
pétale antérieur
à la rosée
les péchés neigent en saisons
source de la mer elle sort titubante
Juda sort de sa proie
et du tremblement de la treille
quelque fragile éclair
du péché un feu prince
du vin lourd laine et lin
le Lion rieur a rassasié l’agneau
à sept cornes l’agneau
et des yeux pour en rassasier la nuit
et des yeux nous brisons cette paix
en neuve fragilité tremblante
en orient de l’eau
en émoi dans la bogue
membrane
de paix l’éclair entre les mains
Ibid., (pp.347/349)
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