Elisabeth Bishop, Nord & Sud (31/10/2010)
L’homme-phalène
Extrait
Si vous l’attrapez,
approchez une torche de son œil. Ce n’ est qu’une pupille noire,
une nuit complète en soi, dont l’horizon hirsute se crispe
quand il vous fixe à son tour, et clôt sa paupière. Alors
une larme, son seul bien, point, comme le dard de l’abeille.
D’un geste furtif il la cueille et, si vous regardez ailleurs,
Il l’avalera. Toutefois, si vous l’observez, il vous l’offrira,
fraîche comme de l’eau de source et assez pure pour être bue.
The Man-Moth
Il you catch him,
hold up a flashlight to his eye. It’s all dark pupil,
and entire night itself, whose haired horizon tightens
as he stares back, and close up the eye. Then from the lids
one tear, his only possession, like the bee’s sting, slips.
Slyly he palms it, and if you’re not paying attention
he’ll swallow it. However, if you watch, he’ll hand it over,
cools as from underground springs and pure enough to drink.
Paris, 7h du matin
Extrait
Je me rends à chaque horloge de l’appartement :
certaines aiguilles pointent histrioniquement dans une direction
et certaines dans d’autres, sur des cadrans ignorants.
Le temps est une Etoile ; les heures divergent tellement
que les jours sont des voyages autour des banlieues,
des cercles autour d’étoiles, des cercles qui se recoupent.
La gamme brève, en demi-tons, des climats de l’hiver
est une aile déployée de pigeon.
L’hiver habite sous une aile de pigeon, une aile morte aux
plumes humides.
Paris, 7 A.M.
I make a trip to each clock in the apartment :
some hands point histrionically one way
and some point others, from the ignorant faces.
Time is an Etoile; the hours diverge
so much that days are journeys round the suburbs,
circles surrounding stars, overlapping circles.
The short, half-tone scale of winter weathers
is a spread pigeon’s wing.
Winter lives under a pigeon’s wing, a dead wing with
damp feathers.
Nord & Sud, 1983
(éd. Circé, 1996, pour la traduction française)
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