Dominique Sorrente (une lecture de Sylvie Durbec) (02/06/2010)

 

 

 

NOTE DE LECTURE

(Sylvie Durbec)

 

 

A propos du recueil de Dominique Sorrente, Pays sous les continents, un itinéraire poétique 1978-2008

 

 

 

« Je t’envoie ma chanson des jours bleus… »

 

Lors de la venue de Dominique Sorrente à la Petite Librairie des Champs, au mois de février 2010, nous avons eu le plaisir de recevoir également Mérédith Le Dez, son éditrice, qui a réalisé, avec PAYS SOUS LES CONTINENTS, un très beau travail éditorial. Si le livre est beau, par sa couverture rouge d’abord et la qualité de l’impression, c’est évidemment  aussi à cause du projet singulier à l’origine de cette publication. Sans parler des textes de Dominique Sorrente qui la composent. Qu’un poète constitue ainsi une somme de trente ans d’écriture est une entreprise originale et rare. Le titre d’abord nous arrête et nous nous demandons quel est ce pays, quels sont ces continents. La lecture nous apporte des réponses tout en ouvrant d’autres interrogations et nous nous retrouvons devant une œuvre où l’exil intérieur du poète donne le ton aux différentes sections du livre[1], évoquant un incessant départ, la recherche d’un impossible ici, que la citation de Milosz mise en exergue signale : « …il n’est pas jusqu’au mot le plus universel, Ici, qui n’ait à jamais perdu son sens… ». Rilke lui-même ne l’avait-il pas noté lorsqu’il écrivait : « Car demeurer, cela n’existe nulle part. »

Ce pays mouvant et ouvert dont parle le poète, c’est évidemment la poésie, celle croisée à Marseille sur le chemin de Christian Gabriel/le Guez Ricord, à l’âge de 17 ans et avec laquelle Dominique Sorrente va se colleter, au long de nombreux recueils ayant obtenu des prix prestigieux. Ici, c’est aussi ces continents sous lesquels se cachent le pays et toutes les voix du poète. Sans oublier la mer initiatrice du voyage. Ce qui est à l’œuvre dans cette somme, véritable fil rouge dans l’œuvre de D.S., c’est la voix adressée à celui qui écoute et lit les paroles du poète. « Apprendre à lire l’exil, nu sur son corps », voilà que s’ouvre devant nous la trace d’un passage, celui de l’écriture, à la fois rude et nécessaire :

« …dans le train qui glisse sur ses rails

avec les paysages, instantanés souverains,

qui se refusent

à l’entrée du poème »,

écrit-il, dans la Lettre du passager à la fin de cet itinéraire poétique, et ce passager est le poète, mais aussi le lecteur. En effet, le voyage de lire nous fait découvrir l’étrangeté d’une prose poétique (Parabole d’un temps, dans Empire du milieu intérieur) et la beauté aphoristique de certains vers: « Il est beau, ce claquement d’ailes entrevues dans la lenteur de la forêt », Le Dit de la neige),  qui l’apparentent à des poètes comme Trakl ou des prosateurs comme Adalbert Stifter.

Plus  qu’une anthologie, ce que nous donne à entendre Dominique Sorrente, c’est une traversée. Une vie en poésie.

 

© Sylvie Durbec, la petite Librairie des Champs, à Boulbon

 

 

MLD Editions


Pays sous les continents, Un itinéraire poétique 1978-2008 de Dominique Sorrente

MLD Éditions, 25 euros



 

 

 



[1] On peut en donner quelques titres pour mémoire sur les 15 : depuis Citadelles et Mers jusqu’à Cinq dérives pour les continents, en passant par La lampe allumée sur Patmos, Méridienne d’If, Empire du milieu intérieur ou encore Oiseau passeur. Tous ces titres montrent à l’évidence que le poète est traversé par le mouvement de la voix et de son cheminement de l’intérieur vers l’extérieur, vers le lecteur.

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