Isabelle Zribi (21/02/2009)
Vient de paraître
Tous les soirs de ma vie
Ed. Verticales, février 2009
Note de lecture de Pascal Boulanger
Il est beaucoup question, dans ce très beau récit d’Isabelle Zribi, de désolation, de voix négatives et pessimistes, d’idiotie et de malchance, de nuits qui tombent en plombant l’existence…autant de scènes répétées qui révèlent, chez la narratrice, un désespoir lucide et profond. Il y a du Antoine Roquentin chez elle – rien jamais n’arrive, rien n’est nécessaire – chaque événement se voile ou bien, quand il pourrait surgir, il est déjà au bord de sa disparition nauséeuse.
Face à un réel qui ne se manifeste que par son absence ou sa défaillance, ce sont les attentes, les indécisions et les faillites qui résonnent à chaque page de ce récit. Et pourtant, des possibles autour de la fenêtre hölderlienne de l’enfermement survivent dans les lointains de l’amour. Et pourtant, Tous les soirs de ma vie est sans doute le récit le plus apaisé de Zribi car il propose aussi une rencontre et une fugue, avec une mystérieuse C., épiphanie offrant soudain un ressaisissement et une espérance. Ce livre brûle de ce qui fait obstacle à la présence. L’enjeu d’écrire consiste alors à questionner, dans un humour grinçant, une existence – la nôtre – monotone et vide. Face à la neutralité exacerbée, à la maladie de la répétition et de la tiédeur, nous ne sommes plus que des ombres muettes, plongées dans l’indifférence du monde. Plus d’immanence, encore moins de transcendance, mais le relevé froid et lucide de notre passion – notre souffrance – puisque rien ne peut excéder l’existence et sa banalité affligeante.
Flannery O’Connor, en bonne catholique, l’a exprimé : plus vive sera l’exigence de vivre plus évident risque d’apparaître le vide qu’on a sous les yeux. Zribi, triste par excès d’optimisme, traverse le négatif, y séjourne même, pour mieux déjouer nos illusions.
Pascal Boulanger
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