EDOUARD GLISSANT (15/10/2008)

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Vous, présence, émoi de pierre, ouvrage du soleil quand il est lézard sur la roche. O votre présence est de jour, l’envers miraculeux de celle-ci, malhabile. Et que le souffle hésite, c’est bon signe. Landes, levures du matin.  Rade assouvie, une fois franchi le goulet des mots. Votre absence, de même pluie, ouvre la lumière ; infinie, après l’intimité cernée de chaque forme ; gardienne du mot dans l’allée secrète. O revoici ce champ du jour et de la nuit, assomptions, l’un de chair et puis l’autre de rareté. Ce n’est absence de saison, qu’effacent le retour et l’oublieux revoir.  Ce n’est présence de raison, le sentier des dialogues, la main dans le cœur comme une épissure de gloire. Acacias rouges sur le rêve. Sang volubile sur le chemin ! Absente qui êtes présence ! Que la parole à l’entrée du poème hésite encore, mûrisse au plus profond les fastes de leurs proches épousailles, c’est témoignage pour l’époux. O ce n’est point absence, ni présence à demi, mais si pleines que l’être leur est un sillon de terre. Toute chair se divise, à l’aurore et au soir, de présence et d’absence, pour un feu et pour un sevrage. O mangue, image des ses succulences ! Chambre du soir, berceuse d’engoulevent, et ta tête de statue blanche, si blanche ! Cette image a poussé tout le jour ses lèvres nettes comme une berge. Maintenant que voici le soir, chambre du soir, berceuse d’engoulevent, pose-toi sur la crête et élargis ton rêve.  Mais l’élargissant jusqu’aux hauteurs de cette absence, sous l’ogive des filaos, ramène-le cependant vers la foi têtue de cette présence, parmi la foule ! – O poème qui naît de vous, qui naissez à ce labeur du monde entier.

Un champ d’îles, novembre 1952

 

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