A Paraître (10/09/2008)
Gilbert Bourson
« Congrès »
Gilbert Bourson : le lierre, la foudre…
par Pascal Boulanger
En postface
Où sommes-nous, sur quelle scène, dans quelle reprise et dans quelle outrance ? Quel univers de profusion se déploie sous nos yeux, quel Congrès, autrement dit, quelle union / désunion de la langue amoureuse, quelle rencontre possible / impossible avec le monde se lancent sur la page ?
L’écrivain comme l’amoureux, impatiente ses doigts sur l’agrafe d’une description : celle de son désir écrit Gilbert Bourson. Et en effet, à condition de surmonter le nihil du nihilisme, tout fait monde.
D’ailleurs, les vieilles coulisses du théâtre du monde peuvent bien rester les mêmes, il suffit alors de se réveiller de la comédie humaine et de son mortel ennui pour que l’existence, penchée sur le signe, ne soit plus saturée et close. Il suffit de s’arracher au destin tel qu’il s’impose et cette sortie s’inaugure à partir de l’autre – le visage de l’autre – visible et invisible sous son voile ou son masque.
L’écriture baroque de Gilbert Bourson résonne dans les profondeurs musicales des choses vues, dans leurs incessantes métamorphoses et ce qui se donne à entendre, à travers élégies et lieds, ce sont d’abord de grandes singularités qui, dans l’actualité présente, font toujours corps : Homère, Properce, Catulle, Hölderlin, Rimbaud, Mallarmé… une foule de poètes pour qui le texte, tendu et intemporel, fait bruire le lierre et la foudre.
La poésie de Bourson passe aussi par l’expérience – la suspend et l’éclaire – surtout quand elle refuse, comme ici, toute concession au langage de la tribu. Elle est la combinaison d’une forme et tout autant l’invention d’un sujet lié au monde, lié à l’assaut continuel des couleurs et des sonorités du monde. Il faut – horrible travailleur – montrer ce quelque chose qui fond sur le cœur, le comble, se retire, en passer par la main et par l’oreille pour former une cène, concrète et solennelle, où l’on se perçoit autre, comme sollicité et pensé par les événements mêmes et par le surgissement épiphanique du temps.
Le signe – Gilbert Bourson a été responsable, avec Francine Bourson, de la Compagnie théâtrale Le groupe Signes, adaptant et traduisant pour la scène de nombreux textes, ceux notamment de Sénèque, Dante, Jarry, Lautréamont, Flaubert – le signe donc s’ordonne en syntaxe, se déplie en musique, en sonnets et en sonates. Il est un antidote à l’éclipse de la pensée et de la beauté dont les volutes chatoyantes, qui sont de l’esprit et du sang, habitent la page.
Ces pages, hors-jeu et dans le secret du jeu, cet écrivain insaisissable et inapaisable, les conçoit et les travaille depuis des années. Elles excèdent les conventions poétiques et romanesques dans l’outrance du désir et la violence d’une écriture qui ne peut se satisfaire du réalisme et de ses variantes. Souveraines, elles plongent dans un ciel étoilé et on mesure enfin aujourd’hui l’éclat d’une posture rare qui, en marge du pacte social, médite le jaillissement du poème et le passage d’un monde muet et idolâtre à un monde qui parle quand le sensible prend l’oreille ou le regard (Merleau-Ponty).
Pascal Boulanger
Extraits
Dans les éboulements fleurissent les brèches
Et c'est sous la langue, arquée par dessous,
La ligne d'eau noire tire sur le fond
En humant son crochet qui s'agrège aux masses
Brèves et velues; caresses d'estuaires
Avec des nudités d'agrafe et leur escorte
D'odeurs furetées, de plans enchevêtrés
Aux semis des compas, (ceux des écartements
Font éclore cette ovation de vert tancé
D'un à-pic mortel) et le champ qui s'épand
Force au plus près de l'agraphie ce qui s'efforce
A dire le sans-toi du lieu, l'encoche nue
Avec ce parfum d'ongle qui plane; les mots
Qui arrivent à se manquer: La chair d'un nom.
(rêve d'un nom) 15/04/04
Cet écart rayonnant qui survient, ce coup
De scalpel du ciel: Et la tortue du bleu
Nous montre son faciès- (ou est-ce l'escarpin
Furtif d'une occasion qui pointe sous le plaid
Du jour ? ) – A la terrasse, la dégustation
D'un alcool fort de jambes, l'interview de rien
Qui s'étire en fumée, les journaux parcourus
Pour juste un aperçu du monde entre les coudes
Et le Schopenhauer d'un café fort qu'on boit
Sans y goûter vraiment, ce visage qui passe
Et qui n'est pas le tien, mais de ton cher fantôme
Hachurant l'éclaircie. En face le Pierrot
Du mur hypertrophique nous mime à regret
La verticalité tangente d'une idylle.
(à la terrasse d'un café)
Le barman triste songe:" Si j'étais, disons
Une partie du ciel, comme la galaxie
Au lieu de vous servir des verres, je ferais
Descendre sur les prés, les champs, une lumière
Sur les villes aussi, sur les bars aussi bien
Et même les bordels, une sacrée lumière
Qui ressemble à la neige gelée ou au sucre
En poudre que l'on met sur les gaufres qui fait
Eternuer au manège les chevaux de bois:
(C’est depuis ce temps là toujours que l'on entend
Cette- "Tranquille et triste musique des hommes")
Hé hé, voyez les gars, c'est parce que je vois
En pensée Son regard que j'ai cette idée là
D'en répandre partout… La tournée est pour moi".
(La tournée du barman)
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